"Le sommet à plus de 6000m d'altitude le plus facile au monde" disaient-ils...


Après notre trek de 8 jours dans la cordillère Huayhuash, nous étions suffisamment acclimatés et préparés physiquement pour affronter le sommet du Huayna Potosi, culminant à 6088m.

Du fait de la courtesse de l'expédition, nous étions plutôt confiants : à 9h l'agence nous emmenerait en bus privé jusqu'au premier refuge Nuevo Llaulini à 4750m, où l'on déjeunerait tranquillement avant de monter jusqu'au second refuge Campo Alto Roca à 5130m en environ 2-3h de marche. Arrivés au refuge dans l'après-midi, notre guide Santos nous préparerait goûter puis repas, 18h serait l'heure de nous glisser dans nos duvets pour une bonne nuit avant l'ascension. A minuit, on se lèverait, s'équiperait et commencerait l'ascension à 1h. La marche durerait 6-7h jusqu'au sommet où nous jouirions de notre réussite avant de redescendre en 2-3h jusqu'au second refuge puis 1h30 jusqu'au premier, d'où un bus nous ramènerait à La Paz vers 13h.

Well, sound's good ! Let's do it !

Nous nous voyions déjà à La Paz dans un café appréciant une pâtisserie bien méritée après tant d'efforts...


Le récit est quasi-exact, à quelques variantes près :


A 8h30 nous nous rendons à l'agence avec nos gros backpacks, qui atteignent d'ailleurs 17kg et 19kg contre 14kg et 16kg initialement. Nous passons bien 1h à sortir l'inutile pour cette expédition et pour ne garder que l'essentiel à savoir : gants, bonnet, lunettes de soleil, frontale et toutes nos couches d'habits chaudes. Puis s'ensuit une trentaine de minutes d'essayage de bottes de neige, crampons, pantalon, veste, cagoule et moufles et nous voilà fin prêts pour décoller.

Un couple belge arrive à ce moment là et le manège recommence pendant que nous patientions dans le bus.

Sur le chemin, les 2 guides s'arrêtent pour faire les courses à El Alto et nous en profitons pour partager nos récits de voyage tous les 4.

Nous arrivons vers 12h au refuge où un couple de français qui vient d'y redescendre nous raconte qu'ils n'ont pas pu atteindre le sommet par faute d'acclimatation - rassurant. Ils ont l'air de souffrir.


Nous essayons de manger malgré le manque de faim; riz, patates et bananes, puis notre partons pour les 2-3h de marche jusqu'au second refuge, tandis que le couple belge ayant choisi l'option 3 jours, se prépare pour faire de la marche sur glacier.

La montée est plutôt lente et faisable. Nous sommes rapidement essoufflés par le manque d'oxygène en altitude. Puis les nuages arrivent et il commence à pleuvoir/neiger, seul point que nous redoutions tant. Nous arrivons au "péage", un bolivien se tient là, dans une petite cabane de pierres sans électricité ni eau, du matin au soir, maintenant un registre des visiteurs. Nous constatons que nous sommes partis tardivement et qu'une quinzaine de personnes est déjà en train de se détendre au second refuge. Le chemin n'est pas fini, nous n'en sommes qu'à la moitié et à contre-coeur nous repartons sous la pluie vers un mur de pierres très haut. Nous commençons à sentir des douleurs au dos à cause de nos backpacks chargés à bloc d'équipements. La montée est fastidieuse et nous peinons à atteindre le refuge, qui n'est visible qu'à quelques mètres du fait des épais nuages venus s'installer.

Nous sommes ravis de poser les sacs et de s'asseoir autour d'un thé et des biscuits puis des pop-corn tout en faisant connaissance avec nos voisins de lits. Puis il recommence à neiger et les allers-retours aux toilettes se font de plus en plus pénibles, d'une, par le froid, de deux, par les pierres glissantes.

A peine le goûter fini, que Santos nous apporte une soupe et des pâtes. Mais nos estomacs n'en peuvent plus, et nous ferons l'impasse sur le dîner de 18h.

Quelques instructions sur le programme de demain et nous voilà emmitouflés dans nos duvets, cherchant en vain la chaleur et le sommeil...


A minuit, il est l'heure de se lever. Nous n'avons pas dormi et nous nous forçons à grignoter un peu avant de prendre la route de l'ascension, aux lumières des frontales. A peine le nez dehors que nous les éteignons; la pleine lune est au rendez-vous et le spectacle est superbe : les montagnes sont éclairées naturellement d'un blanc pur et nous voyons parfaitement.

Nous chaussons les crampons, nous nous encordons et partons plus motivés que jamais pour atteindre ce sommet, que d'ailleurs nous n'apercevons toujours pas.

Nous tenons un bon rythme sur la première heure. Nous ne nous l'avouons pas, mais savons déjà pertinemment que l'ascension sera très longue. Nous passons quelques passages plus sensibles que d'autres et nous nous émerveillons devant les illuminations que provoquent El Alto et La Paz au loin. Puis notre rythme ralenti naturellement sur les 2h suivantes et lorsque Santos nous annonce que nous n'en sommes qu'à la moitié, c'est un vrai coup de piolet que nous recevons en pleine tête. Le sommet n'est toujours pas visible, le soleil n'est toujours pas là, et il fait très froid.


La suite de l'ascension est extrêmement pénible malgré la déconcertante bonne humeur de notre guide Santos : la fatigue se faisant ressentir et le froid nous gelant sur place à chaque pause. Puis le soleil pointe son nez mais nous sommes beaucoup trop hauts en altitude pour apprécier sa chaleur. Les lumières sont incroyables et nous apercevons enfin le fameux sommet tant convoité. Nous passons au-dessus de grandes crevasses, croisant les doigts à chaque passage pour qu'aucun écroulement n'ait lieu ce jour, et nous sommes déconcertés par la dangerosité de l'activité et la banalité avec laquelle les guides la traite. La dernière heure de l'ascension n'est que souffrance physique. Nous n'en pouvons plus. Nous sommes épuisés et aussi inquiétés par le chemin du retour.

Puis nous l'atteignons. Nous levons enfin les yeux pour admirer ce que la nature nous offre et sommes émerveillés par cette beauté : un 360° de montagnes flottants parmi les nuages, le Lac Titikaka au loin, l'Illimani à 6462m nous narguant en face. Splendide !

A peine le temps de prendre quelques photos souvenirs qu'il faut redescendre.


La descente nous semble encore plus dangereuse que la montée, le soleil tape fort à présent. Nous nous demandons pourquoi nous nous infligeons un tel effort physique. L'énervement, le désespoir, tous les sentiments sont là en même temps. Certainement parce que nous avons en tête qu'il nous faut encore descendre jusqu'au premier refuge pour être délivrés. Nous arrivons au second refuge comme deux zombis traînant les pattes avec en prime un mal de dos de la veille infernal. Nous tentons de nous convaincre qu'en aucun cas nous descendrons jusqu'au premier refuge, et pourtant, il le faudra bien pour se délivrer du mal ! Encore 1h30, ce n'est pas grand chose, mais c'est sans compter notre gros backpack à porter en plus, qui nous attendent au second refuge ! Poussés par Santos, nous descendons sur le chemin de pierres qui s'avère plus agréable que la neige, mais nos genoux nous font tellement souffrir (ou nous faisons tellement souffrir nos genoux...) que la descente restera pénible jusqu'à la fin.

Nous croisons les grimpeurs de la prochaine nuit et nous les motivons en leur disant que c'est merveilleux là-haut. Mais quand ils veulent savoir si c'est dure, nous restons plutôt sans avis tranchés pour les sauver ! Pour rien au monde, nous souhaitons être à leur place, là, tout de suite !!

Un taxi nous attend au premier refuge et nous nous y endormons profondément, complètement exténués, jusqu'à La Paz.


La pâtisserie attendra, nous fonçons à l'hôtel pour nous blottir dans un lit chaud et douillet.